Les naissances multiples


Ce mois-ci généatech relance les généathèmes, et pour avril, le thème est "les naissances multiples"... Alors c'est parti.

 

Il y a eu dans mon ascendance, un certain nombre de naissances multiples, que ce soit du côté paternel ou maternel. Si les naissances gémellaires sont légions, je n'ai pas encore eu la chance de tomber dans les registres sur des naissances triples voire plus. 

Du côté de la science, on avance aujourd'hui que la probabilité de donner naissance à des jumeaux est héréditaire, et se transmet du côté maternel, de manière récessive. 

Pour être clair : si du côté du papa, il y a des jumeaux, mais pas du côté de la maman, la probabilité d'une naissance gémellaire est la même que dans la population générale, 1 chance sur 116. En revanche, si du côté de la maman, il y a des jumeaux, alors la probabilité d'une telle naissance passe à 1 chance sur 58. 

Il est avancé que l'âge de la mère au moment de la grossesse est également un facteur de "risque" dans ce calcul de probabilité, étant donné que les chances de poly-ovulation augmentent au-delà de 35 ans.



Du côté de mon père, cette statistique de l'âge se retrouve, puisque dans son ascendance, il se trouve un couple en Savoie ayant eu par deux fois des jumeaux.

Marie Delétraz, dont nous avons déjà évoqué la fin tourmentée dans l'article "qui vole un oeuf", épouse en secondes noces Etiennette Cadet en 1768, alors âgée de 30 ans. Les 3 premières grossesses issues de leur union donnent naissance à chaque fois à un unique enfant : d'abord Jean-Pierre en octobre 1769, qui décède âgé de 2 mois, puis Marie-Françoise, en mai 1771, qui décédera un an plus tard, et enfin Péronne, en février 1773, qui rejoint ses 2 aînés un mois plus tard.

Etiennette a maintenant 35 ans passés, et retombe enceinte, pour accoucher en mars 1774 de deux enfants jumeaux hétérozygotes, qui ont la particularité de ne pas être nés le même jour : Marie voit le jour à 20h30 le soir du 30 mars, quand son frère Claude ne pointe le bout de son nez que le 31 mars à 2h du matin.

On retrouve à nouveau Etiennette et son époux dans les registres de naissance le 12 avril 1777 pour une nouvelle naissance gémellaire, à nouveau hétérozygotes, puisqu'à nouveau un garçon, François, et une fille Jeanne.

Si ce dernier couple de jumeau ne survit pas très longtemps, (François décède en août 1778 à 16 mois, et sa sœur Jeanne le suit de quelques mois en s'éteignant en novembre 1778 âgée de 19 mois), le premier couple de jumeaux lui, défie toutes les statistiques de l'époque...

En effet, les deux enfants, Claude et Marie, vont survivre, vivre, se marier, et décéder "relativement" âgés : Marie à 43 ans après 5 enfants, et Claude, mon ancêtre, âgé de 70 ans, en ayant été père de 10 enfants. Il n'y aura plus de jumeaux après eux dans cette lignée.


A l'époque, tout comme encore aujourd'hui malheureusement, la mortalité maternelle lors de la naissance de jumeaux est beaucoup plus importante que lors d'une naissance unique. Le risque de naissance prématurée est également augmenté.

La surmortalité des nourrissons en cas de naissance gémellaire l'est aussi, du fait de leur fragilité et des éventuelles complications liées à ces grossesses : on estime aujourd'hui d'après des études effectuées entre 1970 et 2006 sur les populations gémellaires, que les jumeaux ont deux à cinq fois plus de risque de décéder prématurément, entre leur naissance et leur premier anniversaire... 

Qu'en était-il sous l'ancien régime, lorsque le suivi des grossesses "à risque" était pour ainsi dire inexistant (d'ailleurs souvent, on n'apprenait la grossesse gémellaire que lors de l'accouchement), tout comme le soin des nourrissons fragiles ou prématurés, et la césarienne interdite sur femme vivante ?

Ainsi, ici dans le cas d'Etiennette et de ses 2 paires de jumeaux, la survie tant de la mère que des deux enfants, et ce jusqu'à l'âge adulte, relèverait presque d'un petit miracle.



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Pour aller plus loin : 

  • La mortalité maternelle en France au XVIIIème siècle, Population, 1983 - Hector Gutierrez & Jacques Houdaille - page 984
  • La mortalité aux âges jeunes des jumeaux, Institut National d'Etudes Démographiques, 2007 - Nadège Couvert
  • Les accouchements multiples dans la France ancienne, Hector Gutierrez & Jacques Houdaille, 1983


Photo : tirée de ma production personnelle.

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