Journal des curés de campagne




Au fil des recherches pour la rédaction de mon mémoire, je me suis plongée avec curiosité dans l'intégralité des archives et documents trouvables concernant le village que j'avais choisi d'étudier : Vanzy, en Haute-Savoie. Au fil de mes lectures, les mentions des personnages religieux dans ce paysage villageois ont pris une importance certaine au vu de leurs déboires dans cette paroisse... J'ai donc tenté à mon échelle une petite rétrospective de l'histoire de la paroisse et des "exploits" des desservants y résidant.

La Paroisse Saint-Etienne de Vanzy serait de constitution Sanclaudienne. Elle était déjà en 1414 sous le patronage du prieuré médiéval de Chêne-en-Semine, construit en 1108. Son patron, Saint-Etienne, avait sa fête le 26 décembre, puis celle-ci fut déplacée 3 août par les autorités religieuses[1].
Initialement « indépendante », les limites de la paroisse de Vanzy correspondaient aux limites du village et de ses hameaux. Les prêtres étaient résidents, logeaient sur place, étaient maîtres de leur cure, et la paroisse possédait depuis 1654 un vicaire régent, chargé de faire la classe aux enfants du village dans la maison consacrée, fondée par Anne-Françoise de la Fléchère. Celle-ci, dans un acte du 21 janvier 1654, dédiait en effet une importante somme d’argent (2000 ducatons) au traitement du vicaire, pour qu’il se charge de l’instruction, d’aider le prêtre, et en sus de célébrer une messe hebdomadaire dans son château de la Fléchère.

Cette « indépendance » dura jusqu’en 1975, quand la paroisse est devenue dépendante de la paroisse de Frangy : le curé de Frangy devint alors responsable, même si le curé de Vanzy, Mr Tissot, est resté résident et « administrateur » de celle-ci. 
En 1977, le rattachement change, et il est décidé de rattacher la paroisse de Vanzy avec celle de Clarafond : Francis Vacherand, curé du ce lieu, devient responsable. 
De 1990 à 2004, Clarafond-Arcine (les 2 villages ont fusionné), Vanzy et Chessenaz, se partagent un seul curé pour les 3 paroisses. 
En 2004, une refonte des cartes paroissiales change le paysage religieux existant depuis les temps médiévaux, et intègre Vanzy à la nouvelle paroisse unique « Saint-Jacques-Val-des-Usses », basée à Frangy. 


Les desservants marquants du Moyen-âge

De nombreux prêtres, depuis 1411, et vicaires, depuis 1654,  se sont succédés dans la commune. Rebord dans son dictionnaire du clergé[2] nous en donne une liste exhaustive à partir de 1443.





Listes des prêtres et vicaires fournies par Rebord


Les transcriptions des visites pastorales de 1411 et 1414[3] nous permettent de compléter à minima la liste de Rebord, puisqu’elles nous apprennent qu’à cette époque, le curé de Vanzy est nommé Thibaud Juge : âgé d’environ 50 ans, il est dûment muni du titre de possession de l’église, mais quelque peu porté sur la boisson, et décrit comme « habitué à soutenir une sentence d’excommunication » et gouvernant « bien mal son église ». 

L’évêque lui impose en 1411 le dénommé Jean Sautier, curé de Bernex et Chapelain de Saint-Jean-Baptiste et Saint-Antoine à Vanzy, afin de le corriger. Cela ne semblait guère judicieux, puisque trois ans plus tard, on rapporte dans ces mêmes transcriptions que Jean Sautier (en plus de cumuler les bénéfices de 2 chapelles dans une même église, chose rigoureusement interdite), est accusé de faire du commerce, et « de se livrer à d’autres affaires profanes ». Il aurait même porté violemment la main sur un clerc l’année précédente, sans avoir fait acte de repentance par la suite (la foule, choquée, émet un "haaaan" de désolation à la lecture de telles atrocités)

En 1414, il est écrit que Thibaud Juge est assisté d’un prêtre auxiliaire français souffrant des mêmes excès que lui au niveau de sa passion pour la dive bouteille, et l’évêque lui donne alors quinze jours pour s’en débarrasser et trouver un auxiliaire plus honnête. Thibaud Juge et son collègue Jean Sautier semblent être les premiers d’une petite lignée de prêtres ayant laissé des traces cocasses, ou tristes, dans l’histoire de la paroisse.


Les prêtres Savoyards et la Révolution Française


Sous la Révolution, c’est le prêtre Joseph Carrier qui remplace le curé Julliard après son décès en février 1791[4]. Carrier, ordonné prêtre en 1771, arrive à Vanzy vingt ans plus tard, dans une Savoie à l’aube de l’annexion révolutionnaire française et de son anticléricalisme croissant. En 1792 les troupes révolutionnaires françaises pénètrent la Savoie, et durant l’année qui suit, nombre d’émeutes et révoltes de Savoyards vont émailler l’histoire d’exécutions sanglantes pour ceux qui osent s’élever contre le mouvement révolutionnaire. On parle même de la « guerre de Thônes » en 1793, pour décrire à quel point les combats furent rudes en certains endroits, à cause de la fougue développée par certains Jacobites convaincus comme Jean-Marie Poidebard[5], pour casser l'insurrection des paysans.

À ce moment-là, les prêtres sont sommés de faire un choix : prêter serment sur la constitution civile, ou être considérés comme « insermentés », donc rebelles, et partir en exil ou fuir. Henri Manabréa dans son ouvrage[6] dénombre 77 prêtres ayant prêté serment, contre 47 réfractaires, dont l’évêque. Et Victor Flour de Saint-Genis mentionne une liste des émigrés savoyards comportant les noms de 1030 membres du clergé savoyards en 1794[7]
Quand le prêtre de Sevrier choisi l’opposition et la révolte, qui le pousse à l’exil et une vie clandestine pendant plusieurs mois[8], Carrier, lui, accepte tout comme son collègue de Chessenaz, de prêter le 1er Serment et exercera le culte schismatique à Vanzy, et à Clarafond, en remplacement de Jean-Baptiste Rochet, qui lui, a préféré émigrer[9]

Cependant, Carrier semble changer d’orientation quant aux motivations l’ayant poussé à prêter ce premier serment, puisqu’un an plus tard, en 1794, il refuse de prêter le second serment. Il est donc sommé par Albitte de renoncer à ses fonctions, et est incarcéré dans les geôles de Carouge pour avoir refuser d’abjurer sa foi. Il s’en sortira quand même sans trop de dommages, puisqu’on le retrouvera en 1803 en tant que prêtre commissionné à la paroisse de Vanchy, dans l’Ain, à quelques kilomètres de Vanzy. 


Son successeur semble ne pas apprécier la façon dont Carrier avait tenu ses registres, puisqu'on trouve en 1804 dans les registres ce commentaire de sa part :





Transcription :
Je soussigné déclare avoir rendu un service
à la commune de Vanzy en copiant tous les susd(its)
actes sur un cayer mal écrit et mal en règle
de Me Carrier cy-devant curé, lequel cayer ne
pas servir de monument à la postérité. En foi
de quoi, le 28 (octo)bre de l'an 1804, ou soit
le 6 Brumaire de l'an 13 de la République fran(çaise)
Jean Vacherand recteur
actuel de Vanzy






[1] Archives Diocésaines d'Annecy - fond paroissial de Vanzy - 35 P 3 : On 
apprend par l'entremise de courriers que c'est "plusieurs années avant" 1884 
que la municipalité a décidé du changement de date de la fête patronale de 
Saint-Etienne, passant du 26 décembre au 3 août "pour l'invention [des 
reliques] de Saint-Etienne" justifié par l'établissement d'une vogue.
[2] Dictionnaire du clergé Séculier et régulier du Diocèse de Genève-Annecy,
A-G et H-Z, Rebord, 1920 
[3] Les Visites Pastorales du diocèse de Genève par l'évêque Jean de Bertrand
(1411-1414) - Louis Binz 
[4] AD74 - Vanzy - E dépôt 291/GG2 - 1760-1794 - image 115 
[5] Voir mémoire de Georges Chareyre - "Les Poidebard, moliniers et filleurs
de soye", ainsi que le blog : https://leschroniquesduchronogyre.wordpress.com
[6] Histoire de la Savoie - Henri Manabréa 
[7] Histoire de Savoie - Victor Flour de Saint-Genis 
[8] Sevrier, des origines à la Seconde Guerre mondiale. Six mille ans
d'histoire rurale - Gérard Détraz 
[9] Le diocèse de Genève (partie Savoie) pendant la Révolution Française - 
Joseph Marie Lavanchy 

Photo d'en-tête : tirée de ma production personnelle

Commentaires

Articles les plus consultés