Au commencement était le grenier...




J'avais douze ans. Une boîte à chaussure a traversé les siècles via une faille spatio-temporelle, et m'est tombée dessus par le plus grand des hasards, alors que je jouais à cache-cache avec mes cousins. Je m'étais faufilée dans un grenier interdit du bureau de mon grand-père. Inutile de préciser que j'ai gagné la partie par défaut, ils ne m'ont pas retrouvé...

La boîte contenait des dizaines de documents anciens, tracés de pleins et déliés à la plume, et signés de mon patronyme. Au sommet de la pile, une trame d'arbre, au bic bleu sur une feuille de cahier d'écolier, avec l'écriture pointue de mon arrière-grand-mère.

C'est finalement un avantage d'avoir une famille d'accumulateurs qui ne jettent rien. Les greniers et placards débordent, mais sous le fatras apparent, ne servant qu'à tromper son monde, sommeillent des trésors n'attendant que d'être redécouverts... Ainsi fut fait !

J'avais douze ans, et dans mon insatiable soif littéraire, je lisais tout ce qui me tombait sous la main. Trouver ces documents me fit le même effet que la découverte d'une carte au trésor au fond du jardin aurait pu avoir sur un pirate en culottes courtes.

Ma boulimie littéraire, hasard du moment, m'avait déjà menée sur les traces des grandes sagas familiales : les Jalnales gens de Mogadorles oiseaux se cachent pour mourir, et j'en passe... Toutes ces fictions qui à la fin, contenaient un arbre des diverses générations passées en revue au long des plus ou moins nombreux tomes. C'était là l'occasion unique d'essayer a minima d'en faire autant, sans le côté romanesque et romancé toutefois. J'avais trouvé via cette boîte une machine à remonter le temps, je m'en suis emparée avec avidité, et mon enquête "policière" a commencé ce jour-là... Qui étaient-ils donc, ces ancêtres qui s'envoyaient au tribunal sous prétexte que la chèvre de l'un avait paît dans le champ de l'autre ?

Quelques dizaines de lettres et papiers griffonnés... Il n'en a pas fallut plus pour attirer mon attention et la capter pour les deux décennies qui suivirent. J'avais déjà au préalable tenté de réaliser un arbre de ma famille, mais je m'étais arrêtée au grand-père de mon grand-père, puisque ce dernier ne savait pas tellement m'en dire davantage. Cette boîte à chaussure tombée du ciel fut donc l'élément déclencheur d'une longue quête interminable, grâce au monde qui s'ouvrait à moi : il existait des actes, ils étaient consultables à la mairie du village, ou dans un endroit merveilleux appelé Archives Départementales, on en avait des copies, et j'allais pouvoir moi aussi, écrire ma saga familiale et mettre mon arbre généalogique à la fin ! Armée d'un petit appareil photo, de feuilles à dessin A3, d'une tripotée de crayons et couleurs, en mettant à contribution mes parents, j'avais passé des après-midis entiers dans les arrières-salles de mairies, aux archives et au cadastre à explorer des mètres de registres.

J'aurais aimé être historienne-généalogiste, mais on m'a répondu que ce n'était pas un vrai métier à l'époque...

Vingt ans après avoir été assommée par la révélation d'un passé de papier tel une Newton découvrant la gravité, j'ai sauté le pas et rempilé à la fac, afin de préparer un futur alternatif, si le secteur de la santé persiste à péricliter de la sorte en mettant la finance et les gestionnaires administratifs déconnectés du terrain aux commandes, au détriment du soin, de l'humain et des besoins concrets de nos patients.

Devenue OLAF d'adoption, du nom de notre promo nîmoise, j'ai fini par décrocher avec bonheur mon diplôme de généalogiste et rêve maintenant du jour où je pourrai devenir une Sherlock Holmes voyageuse du temps pour subvenir à mes besoins en joignant l'utile à l'agréable !

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